jeudi 3 janvier 2013

Nas - Life is Good [Chronique]

Nas. Trois lettres pour définir le R.A.P. Une longévité à tout épreuve et une personnalité incontournable du Rap américain. Respecté par ses pairs; craint par ses ennemis.
Celui qui jouit dorénavant du statut de vétéran du Rap Game nous offre comme il est de coutume tous les deux/trois ans, un nouvel album fort attendu par les amateurs de son new yorkais. En effet, à l'instar des Blueprint de son ex-rival/patron Jay-Z. Chaque albums du rappeur de Queensbridge est un évènement à part entière. Cela en dépit des quelques ratés à travers les années comme Hip Hop is Dead (what a joke!) ou le très dispensable Distant Relative.

Malgré un Nigger qui a plus fait parler de lui pour son intitulé que par son contenu (où quand la forme l'emporte sur le fond), beaucoup de suiveurs ont eu la sensation que Nas ne prenait pas position sur le plan artistique, semblant vivre dans un trip oscillant entre nostalgie 90's et mainstream contemporain. Ajoutons que sur le plan purement textuel; Depuis Street Disciple (2004), plusieurs facettes de Nas se sont exprimées au micro sans réel cohérence et constance: le pseudo bling bling ''Nastradamus'' sur Hip Hop is Dead (2006), puis l'impertinent ''Nasty Nas'' sur Nigger et Distant Relative. Finalement, devant cette schizophrénie artistique coutumière que Jigga avait pointé avec malice sur The Takeover. Quelle facette de Nas allons nous retrouver sur Life is Good ?

Dixième album de la légende du Queens. Le fils spirituel de Rakim rappait sur Illmatic, un éloquent "Life is Bitch" accompagné de son ami AZ. Des années plus tard, la quarantaine approchant à grand pas c'est avec sagesse qu'il clame un ''Life is Good'' plein d'enseignement et d’introspection. Banger, Feeling and Wisdom. Voila la formule de ce nouvel album où nous voyons sur la pochette de l'album un Nas classe et songeur; tandis que la robe pistache de son ex femme Kelis gît sur ses genoux. Il n'en fallait pas plus pour que les forums et la presse spécule sur le contenu de l'album avant même sa sortie. Amertume ? Humour noir ? Ironie ? Désinvolture ?

Nous avions à peine le temps de nous poser de questions que débarquait sur les ondes (en leak) le banger "Nasty" (disponible sur la version deluxe), histoire de recentrer le peuple sur les fondamentaux qui nous intéresse ici : le Rap. Si le titre de l'album évoque aux plus anciens une époque en or faite de beeper et de grosse doudoune il convient de noter que l'album est en grande partie produit par la garde rapprochée de NaS à savoir l'illustre No I.D et Salaam Remi. Première garantie d'une tracklist riche cohérente et épuré de tout déchet. Assez "90" comme pratique à l'heure où une armada de producteurs de tout bord (No Guetta here) s'agglutine sur les projets comme des mouches. Press Play.

Chipotons sans attendre. L'album commence sans intro ou petite mise en bouche pour posé l'ambiance. Merde le dixième album ça se fête non ? Ou alors nous pouvons faire la fête sobrement et rentrer dans le vif du sujet comme le fait avec energie le percutant "No Introduction". Ah si c'est comme ça .. Une fois lancé, embarquons dans la "Loco motive" produit par Large Professor ("NY State of Mind") et son ambiance crasseuse dédié particulièrement aux amateurs de Hip-Hop "trapped in the nineties". Tout un symbole.

Nous poursuivons l'écoute avec émerveillement avec des titres tels que "A Queens Story" éblouissant de maîtrise tant l'alchimie entre Hip-Hop et musique classique (une hérésie pour les puristes) trouve ici toute sa saveur et ce jusqu'au dernier couplet servant de refrain à "Accident Murderer" en feat avec Rozay. Transition bien pensée et naturelle qui se confirme d'autant plus sur les Soul/Jazz "World an Addiction" en duo avec Anthony Hamilton, "Stay" et ses notes de saxophone et surtout "Cherry Wine" en duo posthume avec la regretté Amy Winehouse. Le bonheur de retrouver deux immenses artistes sur un même morceaux a finit de mettre "Cherry Wine" comme mon titre favori de l'album (le titre était plus aboutit que "Like Smoke" (produit par Salaam Remi) et présent sur l'album posthume Lioness: Hidden Treasure. Plus troublant encore, la fusion quasi symbiotique entre Amy et Jones ne fait que nous remémorer que la jeune chanteuse était une inconditionnelle du rappeur au point de reprendre l'instru "Made You Look" sur son titre "In my Bed". Sans en faire un "Reprise and Sample", je vous invite à lire la chronique de "Frank" dans nos pages.

La parenthèse Winehouse close. Nous revenons sur LIG avec deux bangers assez discutables et plombant un peu l'ambiance de l'oeuvre. Ici nous avons droit au nauséabond "Summer On smash" produit par un autre "trapped in nineties" dans le mauvais sens : Swizz Beatz. Et "The Don" produit par feu Heady D et Da Internz sur un sample chourave (ce mot est dans le dico) au papa du DanceHall Super Cat. Deux titres discutables certes mais prouvant à ma grande surprise que Nas est capable de rapper sur n'importe quel beats et en suivant le rythme et la mélodie. Une prouesse à part entière.

La parenthèse déchet étant refermée et dans la benne à ordure. Concentrons nous vers la moelle de l'album à savoir la partie peop.. la partie introspection qui nous intéresse tous. Preuve encore de la construction exemplaire de l'album. Egrotrip et Shout Out (dédicace) sur "You Wouldnt Understand" produit par Buckwild; "Reach Out" et ses sonorités New Jack en début de piste puis son sample d'Ike's Mood par notre regretté Isaac Hayes. L’introspection est à mon grand plaisir un petit retour aux fondamentaux des années 90 tout en ajoutant cette dose de modernité dans les productions. Le Hip-Hop tel qu'il aurait du évoluer à mon sens. A ce propos, comment ne pas évoquer "Back When" (produit par No ID) où Nas fait une sorte de rétrospective de sa carrière et lance un regard critique, virulent et objectif sur le Rap Game ("To Call them fake today is hate, real niggas extinct; Pac left me inside a rap world with niggas that wink"). Du grand art.


Bien entendu, l'album et le volet introspectif ne pouvait se conclure sans évoquer le feeling de Nas sur sa vie personnel. Sans tomber dans l'outrancier, c'est avec une certaine pudeur qu'Escobar évoque la relation père fille sur "Daughters". Chanson assez touchante et qui plaira d'autant plus aux pères élevant leurs enfants tout seul. Tout seul, c'est d'ailleurs la situation dans laquelle se trouve Nas depuis son divorce avec la chanteuse Kelis. Du coup c'est sur l'excellent et pas du tout amère "Bye Baby" avec la voix d'Aaron Hall au refrain pour le coté New Jack bien pensée. Au menu de cette chanson qu'on attendait tous (même les mecs); Nas nous narre sa nostalgie des bons moments et des débuts, les ratés dans la communication, sa colère, sa tristesse. Puis avec la sagesse qui est la sienne son bonheur d'avoir connu le bonheur et d'avoir eu une petite fille.

Un peu plus haut, je vous demandais quelle facette de Nas s'exprimerai sur ce dixième album. Ici nous avons l'album d'un homme : Nasir Jones. Qui en dépit des hauts et des bas a su rester droit dans ses bottes, fidèle aux Hip Hop et à ses convictions. Pour nous auditeurs, Nasir Jones est l'assurance qu'une partie du Rap qu'on aime vit encore. Rien que pour ça, oui : Life is Good.

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