vendredi 25 janvier 2013

Kendrick Lamar - Good Kid, m.A.A.d City [Chronique]

La Westcoast Morte ! Cela pourrait sonner comme un slogan politique ou une amère réalité qu'on refuserait d'admettre tel un manchot voulant jouer à la Wii; mais en 2012 il n'en sera rien. Oublions les amères déceptions comme Spider Loc ou The Game. Oui, 2012 fut signe de renouveau et de fraîcheur grâce au nouveau messie de la cote ouest, le jeune Kendrick Lamar.

A la fois Messi et messie pour les fans de son californien. Adoubé par ses pairs. Kendrick Lamar est un jeune prodige qu'on ne présente plus désormais. Rappeur underground s'étant fait les dents grâce à Internet et surtout sa tape Section 80, il n'en fallait pas plus pour que le jeune de Compton se fasse signer chez le puissant Interscope de Jimmy Lovine, accessoirement boss de Dr Dre (un peu de hiérarchie ne fait pas de mal).

Parlons du docteur; dont la sortie de l'album a été prophétisé par les Mayas (un signe de fiabilité). Il est pour l'occasion producteur exécutif sur le premier album de son nouveau poulain. Premier gage de qualité et surtout preuve d'une confiance indiscutable pour le jeune rappeur. Et ce n'était pas gagner. Fraîchement débarquer sur Aftermath, mon premier ressenti d'observateur et de fan était de craindre une totale mise en tutelle de Lamar par l'armada de producteurs à la mode; qu'il soit d'Aftermath ou non, là n'est pas la question. Fort heureusement, il n'en fut rien et nous avons échapper de peu à un feat avec Lady Gaga (sur "Bitch Don't Kill my Vibe"); chose qui mérite d’être signaler, même si ma curiosité l'aurait souhaité avec force.

En parlant de force, je tiens à mettre en avant le coté "force tranquille" du rappeur de Compton qui a fait mouche. Ainsi, il parvient sans aucun mal à imposer son staff de Top Dawg Entertainent ainsi que ses producteurs attitrés tels que Terrace Martin ou Sounwave. Un nouveau gage de confiance qui est à mon sens à l'image de ce que la société et l'industrie véhicule comme messages. Pour être tout à fait concis; dans le monde actuel le temps de l'enfance est de plus en plus court. Bien entendu, nous sommes loin du temps où les enfants travaillaient au champs de patates sans apprendre à lire et à écrire. Mais nous pouvons nous étonnés que dans nos sociétés si "civilisé" le monde de l'adulte met encore une pression monstre sur les enfants. Du coup, il n'est plus rare de trouver des jeunes se passionnant très tôt dans un domaine (quand ils ne vivent pas les rêves de leurs parents frustrés) et qui semble finalement prêt (en apparence) à rentrer très tôt dans le bain.

Dans notre époque glorifiant l'image et la performance, nous souhaitons des jeunes productifs, malins, et assez débrouillard pour qu'on puisse leur laisser les clés (pour partir plus vite au soleil). Voila ce qu'est en filigrane Kendrick Lamar, malgré ce portrait assez froid et cynique.

Du coup, cette brève analyse se confirme par des faits dans la mesure où Dr Dre ne dirige pas l'album de son nouveau protégé. Sa contribution se limitant à un couplet et à un rôle d'inspecteur (de luxe) des travaux finis. Ainsi, K.D rompt avec les Snoop, Eminem, 50 Cent qui furent à l'époque totalement prit en charge par le docteur. Mais qu'est ce que Kendrick Lamar a en plus me dites vous ? La réponse est simple: rien de plus, rien de moins: sa singularité réside dans sa normalité. Tout comme ses aînés  il fut contraint de grandir vite, d'apprivoiser son environnement pour tenter de s'en émanciper (la vie d'un jeune tout simplement). La réeles différence à mon sens c'est que Kendrick est arriver chez Dre avec une vision artistique affirmées de ce qu'il voulait faire la force de l'âge (et les rêves) qui vont avec.

Résultat, ce premier opus échappe totalement à la caricature qu'on attend d'un album Westcoast. Pas d'apologie du Drive by shooting, du gangsta lifestyle ou autre revendication Bloods and Crips. Juste un album "simple" où l'artiste partage quelques tranches de vie. Une véritable bouffée d'air frai californienne garantie sans formatage ni bangers radio friendly (souvenez vous de "In da Club" ou "How we Do"). Mes amis, ce temps est révolu.

Jouissant d'une totale liberté artistique, GKMC sonne différemment de son précédent projet Section 80 qui faisait la part belle à un Kendrick beaucoup plus portés vers l'attaque. Une façon de montrer les crocs et d’asseoir une certaine crédibilité. Le succès de Section 80 aidant, le premier album officiel de Kendrick prend une toute autre direction grâce aux thématiques abordées et le virage semi autobiographique assumé. En conséquence, Good Kid, m.A.A.d City (le terme m.A.A.d renvoyant à : "my Angels on Angels Dust") pose le décors d'entrée de jeu. L'adolescence tumultueuse du rappeur dans les rues de L.A étant le sel de l'album saupoudré d'un storytelling crédible et de skit faisant intervenir ses proches (sa mère) apportent cohésion et fluidité au projet. Par conséquent, l'écoute de morceaux comme l'hilarant "Sherane aka Master Spleenters Daughter" narrant ses premiers amours, "The Art of Peer Pressure" et ses rapports avec ses mauvaises fréquentations ou le single "Swimming Pools (Drank)" et son rapport avec l'alcool; sont assez représentatif de l'ambiance globale de l'album, le tout avec une originalité et une fraîcheur salvatrice pour la Westcoast.

Finalement, la Westcoast sous perfusion et sous inhalateur trouve un nouveau souffle. Bien sur, des groupes comme The Pharcyde ou des gars comme Too Short (oui ça date), ont bien tenté d'apporter un virage neuf à la cote Ouest. K.D lui y contribue en faisant rentrer son camp dans la modernité, le tout en apportant ses diverses influences. Loin du dogme gangsta, loin d’être le projet d'un néo hipster reniant toute l'histoire d'une partie du Rap (qui a dit Lupe Fiasco ?). On se plaît à voir le vétéran MC Eiht venir prêter main forte sur le "m.A.A.d City" tout en appréciant la présence de Drake sur l'évocateur "Poetic Justice" samplant le "Anytime, Anyplace" de Janet Jackson. On appréciera d'autant plus le coté "eastcoast" apporter par un titre comme "Good Kid" (produit par Pharell) et ses sonorités Jazz/Funk du plus bel effet. Sans tomber dans la lèche et le namedropping à la The Game, Lamar trace sa route avec aisance et fait partager sa liberté artistique. En ce sens, l'auditeur a droit à des morceaux déroutant à l'image du long (douze bonne minutes) "Sing about Me" ayant droit à deux instru différents,  le banger "Backseat Freestyle" (produit par Hit Boy) ou encore des extensions de morceaux à l'image de "Swimming Pools" et son couplet en plus. 

On apprécie cette liberté artistique qui dépoussière les codes et en instaure de nouveaux. Kendrick Lamar à l'image de son idole Tupac Shakur n'est pas monoflow. Il varie, jam (improvise), swing, s'amuse et c'est tout naturellement qu'on s'amuse avec lui tout au long de l'album. Malheureusement, en toute chose il faut considérer la fin. Ainsi l'album s'achève avec un "Compton" à la fois efficace et fort en symbolique sur une prod de Just Blaze et en feat avec K.Dot.

Dans un monde où nous demandons aux enfants d’être des adultes. Dans un monde où on ne se surprend plus de rien. Dans un monde où tout acte d'émancipation ou de liberté peut être applaudi ou blâmer.  Quelle est la place de ce Good Kid, m.A.A.d City ? Classique ou coup de chance ? Je vous laisse juge. Une seule chose est certaine; par sa simplicité Kendrick Lamar a su crée un rapport de proximité avec une jeunesse ayant désormais ses propres codes, ses rêves et préoccupations. Le tout en étant un pont avec une génération aujourd'hui vétéran et prompt à passer le flambeau. Classique ou non Kendrick Lamar est bien parti pour porter la cote ouest  sur ses bras et peut être au delà qui sait. L'avenir nous le dira.

1 commentaire:

  1. Cet Album m'a tout simplement choqué! Ca sera un classic! Coincé dans les sons Trap et mixtapes gangsta rap relatant toujours les mêmes sujets, avec les mêmes phases reprises par les mêmes rappeurs.

    Cet album est comme une bouffée d'air frais, on s'envole tout au long de l'album en écoutant les histoires de Kendrick qui sont mises en scènes de manière exceptionnelle. Beaucoup de francophones ne comprenant pas l'anglais cracheront sur les productions parfois déroutantes pour un projet hip hop, mais les paroles et les histoires y collent parfaitement.

    Et puis, ca fait tellement du bien d'entendre autres choses que tous ces couilleux qui ne racontent rien de plus rien de moins que ce que tous les jeunes des quartiers font aujourd'hui : dealer, braquer, pimper. Bref toutes les conneries qu'on fait quand on manque d'encadrement ou qu'on vit dans un environnement où ces codes sont la normes.

    WESTSIDE FO L.I.F.E

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