jeudi 4 octobre 2018

Lil Wayne - Tha Carter V [Chronique / Review]


Tha Carter V de Lil Wayne me fait le même effet qu'une annonce de grossesse venant d'une femme ayant dépassé la quarantaine. Circonspect, heureux, inquiet; peu importe l'émotion vous parcourant le corps, le soulagement ne vient que lorsque le nouveau né ne présente aucun désagrément.


Gestation complexe, lié à divers drames sentimentalo-financier avec le padré en manque de "respek", c'est au terme d'une longue bataille devant les juges que sort le dernier album de l'auto proclamé best rapper alive. 

Celui qui nous a gentiment fait poireauté sur DatPiff à coup de mixtape Sorry for The Wait (à télécharger ici) en guise de teasing pour rester timidement dans les mémoires parvient il à rester pertinent et à l'avant garde en 2018 ? On se souvient ici d'un Tha Carter IV bien naze; loin d’être saugrenue, la question se pose avec sérieux tant Weezy est surement un des rappeurs les plus imité à défaut d’être le meilleur.

Il faut dire que la genèse de ce douzième album est des plus tortueuse au delà même des grosses sommes d'argent en jeux. Comme ses congénères, Wayne voue un culte à la lean, cette "boisson" pour crétin en mal de sensation, devenu populaire à coup de clip et de bangers assourdissant tandis qu'elle nous enlève quelques talents chaque 36 du mois. Conséquence, une régularité et une santé aux fraises empêchant tout projet sérieux en studio. La vie d'artiste étant ce qu'elle est, à haut niveau nous avons plutôt affaire avec des mogul/entrepreneur qu'a des rappeurs avec les crocs. Hypothétiquement, le soucis d'entretenir les lauriers du label Young Money à travers le boost des carrières de Drake ou de Nicki Minaj ou les fuites de ses propres chansons peuvent globalement expliquer un relâchement qui culmina jusqu'à l'annonce d'une retraite du game.

2018 tout va mieux, désormais libéré de sa prison (lire : Lil Wayne libre pour 51 millions), la Natascha Kampusch du Rap postmoderne est bien décidé à prouver au monde qu'il n'a pas perdu de sa superbe pendant sa captivité où lui et son précieux projet était retenu prisonnier de son odieux papa bien louche. Ça tombe bien, on va rapidement décortiquer le tout par étapes.

En terme de lyrics, 23 pistes qui dépeignent une ambiance plutôt mélancolique ou l'ex Cash Money se fait plutôt modeste et spirituel (si, si) comme en témoigne dès le départ le titre 'Don't cry' en feat avec l'emo rappeur XXX Tentacion assurant le refrain (qui divisera) à titre posthume. Dans la foulée, Weezy exprime son amour "gangsta" à ses enfants sur "Open Letter" ou sa tentative de suicide sur "Let it All Work"; tandis que les quelques sons tendant vers l'egotrip comme 'Uproar' ont eux aussi la saveur qui sent bon la maturité (Tunechi a quand même 36 ans on commence à se faire vieux) affirmant au passage son statut d'icône légendaire difficilement contestable. En outre, la vraie surprise c'est qu'on évite le fameux album "règlement de compte" envers Birdman même si les amateurs de piques subliminales trouveront midi à leurs portes.

En terme de collaboration, outre l'absence surprenante de Drake répondent à l'appel du maître : Kendrick Lamar pour l’inévitable surclassement sur 'Mona Lisa', le gars sur du moment Travis Scott sur 'Let it Fly', la fidèle Nicki MinajAshanti et la revenante Nivea que seul ceux qui ont porté un jogging peau de pèche à l'adolescence reconnaîtront sur 'Dope New Gospel' , signalons par politesse la tiède réunion des Hot Boyz avec Mannie Fresh à la prod sur 'Used To' et 'Perfect Strangers'. En revanche, j'avoue sans réserve que mon doigt s'amourache de la touche repeat sur la pépite 'Dope Niggaz' en feat avec Snoop Dogg reprenant le fameux sample 'Bumpy's Lament' des Soul Mann ayant déjà fait le bonheur de nos oreilles avec le 'Bag Lady' d'Erykah Badu ou 'XXXplosive' de Dre.

En terme de production, ma crainte principale résidait  dans la probabilité de se retrouver avec un album sans cohérence au vue des sorties maintes fois repoussées. Bien que coutumier de la pratique, un titre comme 'Let it Fly' a par exemple été conçu en 2014, tandis que la voix d'XXX Tentacion fut rajouté après sa mort cet été (hommage ou récupération à vous de voir). Au final, force est de constater que le retour du Shrimp Daddy est plus que réussi; l'ensemble colle parfaitement aux tendances actuelle et parvient à renouvelé le tout grâce à des textes plus terre à terre. Si vous doutiez encore de sa contribution majeure au Hip Hop, Tha Carter V finira par vous convaincre, notamment à la faveur de ce parfait mélange qui parvient à réunir tout ce qu'on aime chez Lil Wayne: l'avant-gardisme, le bagout, la surprise le tout saupoudré d'un élément jusqu'ici manquant: la maturité. 

Le passé rencontrant le présent pour un futur qu'on espère encore brillant.

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